Comptant parmi les figures marquantes de l’histoire de Megève, Henry Jacques Le Même a donné toute son âme architecturale à la station et, plus encore, influencé son art de vivre… C’est une certitude, le paysage de Megève ne serait pas le même si Henry Jacques Le Même n’avait décidé de s’y installer en 1925. Car son architecture singulière et si bien intégrée a fondé l’identité de cette station lancée par la famille Rothschild au début des années 1920.
Né en 1897, diplômé des Beaux-Arts de Nantes, sa ville natale, puis de Paris où il remporte en 1923 le premier prix du prestigieux concours Rougevin, l’élève architecte rejoint ensuite l’atelier de l’un des maîtres du style Art déco, Jacques-Émile Ruhlmann. Il y apprend alors à mener de bout en bout un projet, de l’architecture à la décoration intérieure, de l’agencement d’espace à la conception de meubles à la qualité artisanale d’exécution remarquable. Des savoir-faire qu’il appliquera à chacun de ses chantiers. Mais de santé fragile, le futur bâtisseur est amené à partir en cure à Saint-Gervais-les-Bains. L’industriel mais aussi administrateur de la Société Française des Hôtels de Montagne (SFHM), Adolphe Beder, pour qui il vient de réaliser les décors d’un casino dans la Nièvre, lui conseille alors de se rendre dans un petit village que la baronne Noémie de Rothschild vient de décréter comme la station de sports d’hiver idéale : Megève. Cette dernière demande d’ailleurs au jeune homme de se pencher sur les plans de son chalet privé avec, pour paradigme, les vieilles fermes du pays. Henry Jacques Le Même quitte ainsi définitivement Paris pour la Haute-Savoie.
Des bâtisses agricoles de la région, Henry Jacques Le Même ne garde que la forme et le volume. A l’intérieur, les espaces, rationnels et pratiques, intègrent un confort et une élégance dignes d’un hôtel particulier. Une vision architecturale qui sera comme l’esquisse de ce qui fera une partie de sa renommée : les célèbres « Chalets du Skieur », déclinés par la suite à plus de 200 projets. Des constructions reconnaissables à leur toiture à double pente, soubassement en pierre du pays recouvert d’enduit clair, bardage en bois pour l’étage, volets aux lignes graphiques et colorées, larges baies vitrées et fenêtres d’angle… Une typologie largement copiée depuis. Le sujet de son diplôme, obtenu en 1929, est d’ailleurs le remarquable chalet construit pour la princesse Angèle de Bourbon. Il installe alors son cabinet dans une villa-atelier avant-gardiste, maison familiale autant que lieu de travail. Un cube rouge, modèle d’architecture manifeste, conçu sous l’influence de Le Corbusier mais aussi d’André Lurçat, Jean-Charles Moreux et qui rejoint, dans ses préoccupations d’ouverture sur l’extérieur, la villa E-1027 d’Eileen Gray et Jean Badovici à Roquebrune-Cap-Martin. Le succès est foudroyant. L’atelier ne désemplit pas d’une clientèle avertie qui élit Megève pour villégiature. A la même époque, il collabore, avec son ami l’architecte Pol Abraham, à l’élaboration des grands sanatoriums du plateau d’Assy à Passy. Il signe la création des hôtels Edelweiss (1928 et 1945), Albert 1er (1930), du Mont-Blanc (1934), Royal (1934 et 1945)… mais aussi de boutiques dont celles de sport de Brette et Reussner (1929) ou d’Emile Allais (1946-1949)…
Architecte de la reconstruction d’après-guerre qui connaît une carrière nationale remarquable tout en assumant de nombreuses fonctions officielles et d’expert de la profession, Henry Jacques Le Même a marqué à jamais le panorama megévan de son incroyable production, dans l’élan du dynamisme de la station. Tout en restant fidèle à ses convictions et notamment celle que tout doit être « pensé et dessiné » dans l’exactitude des proportions, pour servir ce qu’il aimait nommer la « science du paysage ».